Je relaie ici des extraits d’un appel de Marie José Mondzain, à propos des menaces qui touchent une artiste photographe palestinienne Ahlam Shibli et le musée du Jeu de Paume à Paris, qui l’expose en ce moment.
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“Ne cédons pas”, un appel de Marie José Mondzain, 19 juin 2013
.http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-salmon/190613/ne-cedons-pas-un-appel-de-marie-jose-mondzain
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“NE CÉDONS PAS”
“Le vendredi 14 juin, le Jeu de Paume a été contraint de fermer brutalement ses portes pour des raisons de sécurité. Une alerte à la bombe, précédée de menaces qui continuent encore aujourd’hui de s’exercer contre sa directrice ainsi que contre son équipe, est à l’origine de cette soudaine et stupéfiante décision. De quoi s’agit-il ? On peine à croire au motif de cette décision qui révèle une terrible confusion entre la terreur et la censure, confusion perversement produite et cultivée par des extrémistes qui se livrent de plus en plus régulièrement à un sophisme dévastateur : ils menacent, cherchant à inspirer la crainte au coeur de la société civile. Incriminant tout geste créatif de leurs adversaires devenus à leurs yeux suppôts du terrorisme, ils entravent tout accès à une oeuvre et tout débat. Dès lors comment débattre d’une oeuvre soustraite aux regards et à la pensée ?
Voici les faits : L’artiste palestinienne Ahlam Shibli expose actuellement sous le titre « Foyer Fantôme » un vaste ensemble de photographies (…) Cette exposition est subtile, elle parle de la violence sans la moindre violence, elle évoque les désordres en ne donnant aucun ordre, elle propose un regard sans chercher la complicité d’un autre regard. L’art donne visage et voix à ceux qui en sont privés, l’image donne une patrie à ceux qui n’en ont pas. Hospitalité d’une visibilité impalpable mais qui produit espoir et courage.
Il s’agit d’une oeuvre, c’est-à-dire d’un geste d’art dont l’énergie émotionnelle doit sa force politique non à quelque message idéologique mais à la liberté qui nous est offerte. Voilà ce que ne supportent pas les idéologues fanatiques qui ne peuvent penser aux Palestiniens qu’en termes d’invisibilité et d’effacement. Ils harcèlent, menacent et réclament la censure de l’exposition, sa fermeture pure et simple au motif des variations regrettables des interprétations. En un mot, un geste d’art devrait être une injonction à aimer et à haïr sur ordre d’un pouvoir imposé par la force. Cela trace le chemin bien connu de toutes les dictatures (…) “
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Je pense que cette actualité est assez révélatrice de :
- l’incroyable arrogance violente d’extrémistes, qui ne se gênent plus pour censurer, menacer, terroriser et jusqu’à assassiner quasi impunément.
- la mollesse, voire la lâcheté du Ministère de la Culture et du gouvernement en général face aux extrémistes racistes, intolérants, violents, méprisants, agressifs, bornés…
- l’importance de permettre l’accès à l’art et aux oeuvres des artistes, qui ouvrent des possibles, des débats, et qui ne sont en aucune manière des porteurs de slogans ou de réponses…
C’est ce que nous cherchons à faire au festival : nous programmons des films et invitons des réalisateurs remarquables pour la force de leurs propositions artistiques et la qualité de leurs regards sensibles, propositions qui viennent nourrir, questionner, faire écho à la parole des peuples invités.
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Brigitte
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PS : Marie José Mondzain est philosophe et écrivain, chercheur au CNRS, spécialisée dans le rapport aux images. Cet été, vous trouverez certains de ses livres à la librairie du festival.