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Festival J-53

De la majuscule du cinéma jusqu'à l'art de combattre

À J – 53 jours de l’ouverture du festival, nous sommes dans la dernière cordée pour boucler une édition qui traversera l’Europe et sillonnera l’hexagone, posera les questions complexes de l’identité, interrogera la notion de peuples, de territoires, de droit, de justice, d’inégalités galopantes et criardes, d’exclusions, de nouveaux fascismes, de lois iniques, de quotas, de « camps », de ghettos contemporains, d’exodes, de mémoires… , pour ce qui est de la thématique centrale.

Avec le Monde des Sourds et l’accueil qui sera fait aux Trans et Intersexes, nous aborderons l’autre versant de nous-mêmes, la normalisation médicale internationale, la violence exercée sur les corps, le déni des différences, des luttes invisibles. Par le cinéma, quasi sans commentaires, nous expérimenterons la capacité du 7ème art à donner les clés politiques, sociales et sociétales, psychologiques, morales d’un peuple, la puissance qu’ont l’image et le récit filmique pour rendre compte d’une société, des héritages insurmontables, du non-dit, du libéralisme mondial, et du vide sidéral, en l’occurrence ici, une traversée roumaine, entre errance et survie.

La Grande Tribu exposera des oeuvres nouvelles qui feront le lien, d’une manière ou d’une autre avec le passé du festival : Kurdistan, Palestine, Russie, Congo, Guatemala, Mexique, Québec, Haïti, Cambodge, et… Indonésie ! De quoi fourbir ici les armes de la pensée, revisiter des fronts, évoquer les maquis, lever les voiles et briser les silences.

Tout cela sur la terre bretonne, qui n’abdique pas sa langue, continue de s’interroger, ne cesse de (se) transmettre ce qui, par le chant et la musique, régénère l’énergie à durer. Sept expositions, deux soirées musicales, des lectures et une foultitude d’occasions de parler, décrypter, mettre à nu, réduire en cendre les stéréotypes transmis depuis la nuit des temps, L’homme est une destinée nue,dit un proverbe tsigane, c’est donc de la destinée que nous parlerons. Celle de l’autre étant la nôtre, irréversiblement solidaire et définitivement nouée. Ce à quoi répond un autre dicton gitan ainsi : Lorsque tu restes immobile, la sueur qui coule dans ton front creuse ta tombe, alors voyage ! Alors nous voyagerons, ici le voyage étant celui qui mène vers l’autre, celui qui nous fait quitter nos certitudes, nos immobilismes, nos fainéantises, les idées toutes mâchées, insipides, sans couleurs et sans saveurs, tronquées, des gouvernants et médias du globe dans leur immense majorité.

Ce mercredi 26 juin, nous projetons au cinéma le Club de Douarnenez, en avant-première, en coup de semonce au festival qui s’annonce, le film hongrois Just The Wind, de Bence Fliegauf. 26 juin, c’est en 1913, la date de naissance au sein d’une famille nombreuse de Basse-Pointe, commune du Nord-Est de la Martinique, d’Aimé Fernand David Césaire. Nul doute que les grandes expropriations nationales et internationales du vivant, les confiscations généralisées mondiales du bien commun, les grandes armadas financières et boursières, les prétendues crises qui ne frappent que les plus démunis, ont à voir avec le Discours sur le colonialisme, que le poète écrivait en 1950. Il suffit pour s’en convaincre de rajouter quelques actualités, d’élargir quelques notions, d’intégrer quelques-uns de ces « concepts » créés pour nous prendre pour des imbéciles, au texte originel :

« Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde.
[...] L’Europe est indéfendable. Il paraît que c’est la constatation que se confient tout bas les stratèges américains. En soi cela n’est pas grave. Le grave est que « l’Europe » est moralement, spirituellement indéfendable. Et aujourd’hui il se trouve que ce ne sont pas seulement les masses européennes qui incriminent, mais que l’acte d’accusation est proféré sur le plan mondial par des dizaines et des dizaines de millions d’hommes qui, du fond de l’esclavage, s’érigent en juges. On peut tuer en Indochine, torturer à Madagascar, emprisonner en Afrique Noire, sévir aux Antilles. Les colonisés savent désormais qu’ils ont sur les colonialistes
un avantage. Ils savent que leurs « maîtres » provisoires mentent. Donc que leurs maîtres sont faibles. [...] Colonisation et civilisation ? La malédiction la plus commune en cette matière est d’être la dupe de bonne foi d’une hypocrisie collective, habile à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu’on leur apporte. »

C’est aussi dans le festif, cette manière de nous fabriquer une transe commune, que nous vous souhaitons la bienvenue de partout, à Douarnenez, le 23 août à venir.

Eric