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Regard sur le jeune cinéma roumain

Entretien avec Ada Solomon, productrice roumaine, présente cet été au Festival

Une Palme d’or à Cannes il y a six ans avec « 4 mois, 3 semaines et 2 jours » et un Prix du scénario en 2012 pour « Au-delà des collines » de Cristian Mungiu, un Ours d’or cette année à Berlin pour Calin Peter Netzer avec « Child’s Pose », une Caméra d’or pour Corneliu Porumboiu (« 12h08 à l’est de Bucarest», « Policier Adjectif »), le succès critique de Cristi Puiu (« La mort de Dante Lazarescu », « Aurora ») mais aussi Adrian Sitaru ( « Picnic», « Domestique »)... le cinéma roumain est en pleine effervescence et reconnaissance internationale. Ada Solomon, productrice exécutive d’« Un mois en Thaïlande » et de « Child’s Pose » analyse cet essor...

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Extraits d’une interview sur Epicentre Films :

Les films roumains que nous avons découvert en France récemment sont majoritairement mis en scène par des cinéastes relativement jeunes et qui n’ont pas réalisé plus de deux films. Il s’agit même souvent de premiers films...
Luminita Gheorghiu (comédienne principale de « Child’s Pose ») dit que les cinéastes roumains sont encore « à l’heure de la confession ». Ils ont tous un ressort intime pour s’engager dans leurs démarches particulières. Les films roumains n’ont jamais attiré l’intérêt du monde entier pour des raisons «d’entertainment». Le style minimaliste qui caractérise l’ensemble de ces films n’est pas seulement un choix artistique, mais aussi une conséquence des maigres possibilités financières. Je dois mentionner aussi l’appui des critiques de film, qui ont beaucoup aidé - par leur networking et leurs interactions avec la critique internationale
- à mettre en valeur les réussites du cinéma roumain. Et il y a enfin la contribution des actions privées, tel le Festival Transylvania qui a grandi avec les cinéastes roumains et qui est un porte-parole aujourd’hui pour le cinéma roumain, le mettant en rapport avec le cinéma du monde entier.

Ces films partagent un même ancrage social et sociétal même si les traitements, du drame à la comédie, sont radicalement différents. Quel est votre sentiment à ce propos?
Nous avons besoin de diversité. C’est comme si on ne parlait pas de solistes mais d’un orchestre. Mais un orchestre bizarre, car il n’y a pas de chef. Il n’existe pas de manifeste commun des cinéastes roumains, mais tout ce qui se passe dans le cinéma roumain crée une nouvelle cinématographie nationale. Comme dans un puzzle, les pièces ont des reliefs distincts, mais elles forment une image complète et surtout complexe.

Un film comme « Child’s Pose » est-il un film difficile à produire ?

Tous les films sont difficiles à produire en Roumanie. Ça prend beaucoup de temps pour mettre en place un budget correct, parce que les sessions du CNC sont rares et que l’on ne sait jamais quand exactement elles se tiendront (il n’y a pas de dates précises pour les sessions de soutien). Par exemple, maintenant on a une première session après 18 mois. Elle a été annoncée comme la première session 2012, mais nous n’aurons les résultats qu’en avril 2013... Parfois nous préférons prendre des risques et ne pas attendre encore un an la session suivante. Même si cela pourrait apporter plus d’argent par des co-productions ou des aides supranationales. C’est un choix difficile mais parfois nécessaire pour soutenir les réalisateurs et entretenir leur intérêt pour le sujet du film.

Ces films se vendent-ils bien à l’étranger ?
Oui, mais il y a plus d’intérêt pour les films roumains à l’étranger qu’en Roumanie. Et cela reste notre plus grande frustration. La reconnaissance à l’étranger nous plait, mais nous avons aussi besoin de la reconnaissance en Roumanie.

Un prix comme le récent Ours d’or remporté par Calin Peter Netzer avec « Child’s Pose » a-t-il un impact ?
Il est intéressant de voir qu’un « breaking news » positif comme la remise des prix à Berlin et le premier Ours d’Or « pour la Roumanie » (il est significatif de noter que ce n’est jamais un prix pour « un film roumain », mais toujours un prix pour « la Roumanie ») et le tour des chaînes télé exécuté par l’équipe du film dans la
foulée ont eu un effet sur la sortie de « Child’s Pose ». Nous avons déjà franchi le seuil de 50,000 entrées après 2 semaines d’exploitation, alors que la majorité des bons films roumains ne font pas plus de 10- 15,000 entrées au total. De plus, des multiplexes ont programmé ce film. Cela donne de l’espoir pour continuer
et surtout ouvrir aussi la porte aux films roumains à venir.

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Cristian