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Coup de projecteur sur le Mois du film documentaire 2013

Bretagne et cinéma

Actualités cinéma breton, avec Daoulagad Breizh

Coup de projecteur sur le Mois du film documentaire 2013

35 films et 105 projections dans 68 villes du Finistère, la cinéaste Sophie Averty a accompagné son film « Cause commune ». Elle nous offre ici un témoignage, une chronique ... son BREIZH TOUR.

"Quand Erwan Moalic m’a demandé lors du dernier festival de Douarnenez mes disponibilités pendant le mois de novembre, j’étais loin de me douter que le Mois du Doc me conduirait sur les routes de Bretagne pendant presque tout le mois. Je savais que « Cause commune » était l’un des « Coups de cœur Mois du doc en Bretagne», mais je n’imaginais pas qu’autant de cinémas, médiathèques, salle des fêtes, crêperies ou bar, choisiraient ce film. Après plusieurs retouches et ajustements pour pouvoir satisfaire le plus grand nombre, la tournée s’est organisée autour de 33 projections, sur 4 départements. M’étant engagée à accompagner la plupart de ces séances, j’ai donc envisagé cette tournée un peu comme un marathon qui démarrerait le 1er novembre à Belle-île et se terminerait le 29 à Saint-Julien. Pour me ménager quelques moments de pause, j’ai proposé quelques dates à deux des personnages du film et à Bertrand Latouche, qui a l’avantage d’avoir plusieurs casquettes : chef opérateur du film, auteur des illustrations, et également un des personnages. J’ai donc accepté d’accompagner 25 fois « Cause commune ». Ca faisait beaucoup mais je ne pouvais pas envisager de me priver de ces moments très riches où l’on échange avec ceux pour qui on fait des films : le public. Et puis l’énergie déployée par les 4 associations bretonnes pour coordonner un Mois du Doc aux 4 coins de Bretagne, fait sacrément rêver, par rapport à l’immobilisme de ma région d’origine (les Pays-de-la-Loire) pour soutenir la diffusion et faire en sorte que les films produits rencontrent le public. Ces rencontres sont essentielles à la pratique de mon métier et je n’ai pas eu la chance de vivre ces moments là sur certains de mes autres films, ressentant une grande frustration lorsque les seuls retours se sont limités aux chiffres de l’audimat des diffusions à la télévision.
Avec enthousiasme que je démarre ma tournée par Belle-île, non sans une certaine angoisse quelques jours avant car la météo marine annonçait un avis de tempête. Je peux être malade en bateau et la perspective, soit de vomir trippes et boyaux pendant le voyage, soit d’être coincée à sur l’île et ne pas pouvoir assurer les séances suivantes sur le continent, m’a donné quelques sueurs froides. De tempête, il n’y en eut ni à l’aller, ni au retour. Et si la pluie et le vent ont un peu contrarié mes projets de visites de l’île avant la séance, un coup de vent un peu plus fort en soirée empêcha le bateau de repartir, et me fit gagné quelques spectateurs supplémentaires, contraints d’attendre le bateau du lendemain. La séance a été suivie d’un bel échange avec un public tout autant curieux d’évoquer le sujet traité que de parler cinéma. C’est aussi à ces échanges qu’on mesure le travail fait depuis 14 ans par les relais du Mois du doc pour faire découvrir le documentaire comme un genre cinématographique à part entière. Je n’ai pas encore terminé la tournée mais je pense qu’à presque toutes les séances, on a pu parler cinéma, écriture, choix de réalisation, pendant le débat ou après. A plusieurs reprises, des spectateurs sont venus me voir pour me dire qu’ils avaient vraiment été touchés par la forme du film, par la qualité des cadres, ou la mise en scène. On a souvent pu discuter de ce que le film avait gagné en force parce que le tournage avait eu lieu après l’histoire plutôt que pendant, de la place qu’il laissait au spectateur parce que tout n’était pas montré .
Je ne vais pas continuer cette chronique en détaillant lieu par lieu ce qui s’est passé ; j’ai plutôt envie d’évoquer en vrac les petites choses qui m’ont marquée. J’ai en tête : l’enthousiasme des bénévoles du cinéma de Châtillon-en-Vendelais – 1600 habitants et un cinéma art et essai tenu par une équipe de 80 personnes ; ailleurs un projectionniste de longue date, à peine chamboulé par l’arrivée du numérique, qui me demande quand je veux qu’on rallume la lumière : « avant ou après le générique ? » (Après je préfère… vu le temps que j’ai passé pour animer le déroulant sur les images du travelling de fin) ; plus loin un autre qui regrette le 35 mm et lance le film en DCP… avec le son mais sans l’image et refuse de relancer le film au début quand il « récupère » l’image parce qu’il a peur de ne pas y arriver (je m’attellerai donc à décrire les images aux lycéens privés des deux premières minutes du film pour démarrer la discussion) ; les attentions du patron de Run Ar Puñs à Châteaulin qui m’a soumis le menu du soir pour savoir si ça m’allait, contrastant avec un pique nique taboulé-carottes rapées industrielles-chips, servi à l’arrière d’une salle des fêtes ; les questions d’un élu touché par le film et saluant, admiratif, le courage de la majorité municipale.
Le principe du Mois du doc, c’est de passer des documentaires dans plein d’endroits différents, pas uniquement des cinémas… J’ai donc pu voir le début de « Cause commune »sur un antique écran super 8 dans une crêperie ; un peu de travers parce que le vidéoprojecteur était perché sur une tablette à 6 mètres de haut dans une salle des fêtes, ou avec un effet timbre poste : c’est-à-dire une image petite perdue sur un écran aux dimensions pourtant très correctes ... parce que le vidéoprojecteur a été fixé trop près de l’écran. Il y eut aussi de très belles projections dans des cinémas entièrement rénovés ; un accueil aux petits oignons dans la salle Nuit de Noces à Lannilis; un tiers des habitants de l’Ile de Sein présents pour une séance dans le salle Sant Gwenole et un lendemain qui chante de belle manière autour d’un repas chaleureux où les convives entonnèrent une émouvante « ma petite ilienne ». Des salles combles à Fougères, et Bain de Bretagne, une malheureuse compétition avec un match de foot décisif pour l’avenir mondial des bleus qui me priva d’une salle bien remplie, des lycéens réservés mais attentifs, un détenu à la prison de Rennes qui explique timidement à ses co-détenus pourquoi il a choisi de programmer « Cause commune ».
J’ai aussi une petite interrogation sur le renouvellement du public, très majoritairement constitué de retraités, sauf lors des séances dans des cafés où les trentenaires étaient subitement les plus nombreux.
Je garde en tête des instantanés variés et contrastés et partout le sourire des spectateurs à la fin des séances, les remerciements et les « ca fait du bien des films comme ça ! » entendus quasiment chaque soir. Cette tournée m’aura offert de belles rencontres, des discussions riches et sensibles, et le sentiment d’avoir réussi avec les moyens du cinéma à défendre l’idée que les combats politiques et collectifs valent toujours la peine d’être menés."

--Sophie Averty – le 25 novembre 2013